Maxi-Race du lac d’Annecy
J’ai beau avoir mis son caleçon fétiche (celui sans coutures gênantes 😉 ) ou avoir fait-refait vérifié-revérifié plusieurs fois mon sac, j’ai toujours cette petite appréhension au départ d’un ultra … les mains moites, la gorges un peu nouée, la vessie qui veut se vider tous les quart d’heure.
2h du matin : le réveil sonne. Tout le monde, Antoine, Gilbert et moi, sommes au taquet. Dans une heure on prendra le départ de la Maxi Race, un ultra trail autour du lac d’Annecy (86km pour 5300m de D+). Ca fait 2 jours que les deux zozos sont à Annecy et donc 3 jours qu’on parle trail, matos, montagne … « Eh t’as pas vu ma montre ? » « Et le poids du sac ? » « Et la côte au km 70 ? » « Je prends des bâtons ou pas ? » « C’est moi qui est la plus grosse paire (… de chaussures) » … Bref, à trop parler on se bourre le mou et plus personne n’est plus sûr de rien …sinon qu’on va se faire un peu mal dans les heures suivantes.
Mon objectif de course est de passer la ligne d’arrivée avec Antoine (le beau frère) qui court son 2ème ultra. Il a une super forme physique, bien meilleure que la mienne (50km/semaine en moyenne à l’entrainement !) mais pas un gros mental, ni l’habitude de courir en montagne (il habite en Normandie :/ ) Je serais donc son lièvre/coach/entraîneur/cauchemar (rayer les mentions inutiles) pour la journée. Avec nous, court aussi « Mr Gilbert Platon », un ami et vétéran 2, le diesel de l’ultra. Il laisse les muscles des jeunes parler et cours avec son expérience.
2h55 : Dans 5 minutes c’est le départ et on est dans les box. Impossible de reculer … y’a plus qu’à courir. Premier objectif, le Semnoz (1700m), 20km de pentes douces ou il faudra alterner course-marche rapide pour ne pas perdre trop de temps et rester dans un bon rythme.
5h, 2h de course : Les sensations physiques sont justes excellentes. Antoine est derrière moi mais n’ose pas trop doubler, je le sens un peu craintif à l’idée d’accélérer. Il faut dire aussi qu’on court par wagon entier (1600 coureurs au départ) et que certains passages étroits forment des goulets d’étranglement.
5h45, km 19, 2h45 de course : Sortie au sommet du Semnoz avec 15 minutes d’avance sur nos prévisions 🙂 On est au dessus d’une mer de nuages avec un ciel rougeoyant. Magique ! Nous survolons le ravitaillement – inutile de faire le plein d’eau, les sacs sont encore à moitié plein – et attaquons la première descente. Les coureurs ne sont pas encore très bien répartis et les moins à l’aise dans les descentes techniques créent des bouchons … rhaaa … (ouais j’aime bien râler, surtout quand c’est la faute des autres.)
Entre le sommet du Semnoz et Doussard (le bout du lac) c’est une succession des petites bosses ou il faut sans cesse relancer la machine. Tranquillement, mais sûrement nous commençons à remonter quelques concurrents.
9h, km 40 : Ca fait déjà 6h qu’on court, Antoine alterne second souffle et coup de mou. On sait que la moitié de course n’est pas loin mais la montre GPS n’avance pas aussi vite qu’espéré. Par contre une chose est absolument extra : la météo. Depuis le début on court dans les nuages/brouillard. S’arrêter c’est prendre froid mais avancer c’est être toujours à la bonne température corporelle. C’est juste parfait pour moi qui souffre rapidement lors de grosses chaleurs et qui suis sensible en ce moment aux pollens (ouais chuis une chochotte 🙂 )
10h, km 44, 7h de course : On repart tout juste de 20 minutes de ravitaillement à Doussard. C’est toujours un plaisir de pouvoir retrouver des gens qu’on aime, de parler de la course, du parcours, des sensations … et de pouvoir se changer et manger aussi ! Davis un autre ami nous rejoint pour courir avec nous les 42 km restants.
Première étape le Col de la Forclaz et ensuite le Chalet de l’Aulp. 1200 D+ … easy !
12h, km 55, 9h de course : Je suis en état de sudation maximale, le Pas de l’Aulp(1700m) n’est n’est plus très loin mais le chemin devient de plus en plus raide. En plus, le chemin ressemble parfois plus à une patinoire qu’à un sentier. On a l’impression de courir dans de la Pom’pote. Régulièrement je check qu’Antoine est toujours visible derrière moi … il grimpe bien le normand. Il a raison d’être aussi motivé car la descente qui nous attend derrière est juste HORRIBLE (oui oui, en majuscule).
13h, km 60 : Le sentier s’élargit puis plonge droit vers le col de Bluffy. C’est une espèce de mi-sentier, mi-chemin blanc, mi-pierrier … hum ça fait beaucoup de moitiés 🙂 Bref un truc bien bien raide qui cassent bien les genoux … et le moral ! Connaissant le parcours je sais que cette pente serait la plus difficile de la course. Pas du tout dans son élément (pas encore !) je motive Antoine qui descend avec prudence mais sûrement … On se fait doubler par des avions de chasse qui semblent se jouer des pièges du terrain. Comme dirait Fred « Faut pas se prendre les pieds dans le tapis ».
Une demi-heure plus bas ou se retrouve 1000 mètres plus bas à Villars-dessus pour un bref ravitaillement en eau. Le temps d’avaler une barre et on repart pour 6 km avant la grosse dernière étape de la course : Menton.
14h30, km 71, 11h30 de course : J’arrive à Menthon, Antoine me suit. Il a retrouvé des potes normands ASPTTétistes qui courent le lendemain. Je le cite « Ca fait chaud au coeur et je retrouve le sourire après cette descente de dingue. Je ne leur montre aucun signe de faiblesse, fierté oblige….Ils vont en baver demain! ». Le brouillard s’est dissipé et le soleil commence a bien me chauffer la couenne. Plutôt coureur temps froids, j’ai un peu peur pour la suite, il reste encore 1000 D+ puis 1000D- sur 15 kilomètres. Madame 2 en 1 (comprendre Estelle & Minus 😉 ) nous a rejoint. Jambon, quiches, fromage, haribo … tout y passe. J’ai juste faaaiiimm.
20 minutes plus tard on repart avec Antoine et Davis (oui oui, il est toujours là, discret mais super efficace !). La dernière ascension de la course nous attend …
16h, km 79 : 700 voir 800 mètres /heure !! Après 13h de course. J’en reviens pas ! On dénivèle comme des chacals dans la montée en doublant un par un les autres concurrents. Le sentier ressemble parfois plus à un escalier (boueux) mais au moins on affole un peu le chrono… et surtout le cardio ! Antoine est toujours en forme car il me colle aux baskets. Il est là le (transpirant) normand !
Nous sortons enfin au sommet du Mont Veyrier, avec la vue sur la ligne d’arrivée 🙂 1000 mètres plus bas 🙁 Mais bon on se congratule déjà, nous savons que la course est pliée, dernièr objectif : arriver en bas sans se faire (trop) mal !
17h, km 84 : On est a deux kilomètres de l’arrivée mais on se traîne dans la descente : Antoine a un genou extrêmement douloureux. Il descend en serrant les bâtons et les dents. Je connais cette descente par coeur – c’est presque mon jardin – mais je me force à l’attendre. Ca serait idiot d’être égoïste pour 2 pauvres kilomètres. Allez mon gars lâche rien ! Surtout pas tes rotules !
On se retrouve enfin au bord du lac avec un petit kilomètre à courir. Même si j’ai l’impression de coller au sol je tente de relancer la machine. Allez à fond … je regarde la montre : 11km/h 🙁 Échec critique. Il y a du soleil, il fait beau et les gens bronzant sur les pelouses nous encouragent « Allez mon gars, c’est fini » … « Et ben nan *#!@ c’est pas fini ! Il reste 1km … Blaireau »
Entre les bikinis-crème-solaire-bière-au-soleil on fait un peu tâche, boueux et dégoulinant de transpi. Inexorablement on approche de la ligne, je reste en contact avec Antoine, faut pas lâcher maintenant. « Jusqu’au rond point … jusqu’au ponton … jusqu’aux tentes … allez le premier virage … puis le dernier » … La ligne apparaît, avec sa petite estrade. 100m … Rhaaaaa ! Je félicite encore Antoine. Il a tout donné. 14h17 de course, bien mieux que ses meilleures prévisions. Applaudissements, photos, check de la puce électronique et la pression descend. C’est fini.
Petite baignade dans le lac puis on se met à dévorer et boire tout ce qui nous passe à portée de baskets. Miam 😀 Ça a du bon l’ultra.
Le deuxième héros du jour sera Gilbert. Après un petit raté dans ses calculs il sera rattrapé par la barrière horaire mais finira quand même la course, en 19h50 , dans la nuit, sans frontale, sans lunettes (perdues 🙁 )… c’est lui le patron !
Moralité : J’avoue j’ai été un « lièvre » sournois 😉 toujours 30-40m devant à garder le rythme (ou accélérer) pour pas que le second se relâche. On n’a pas traîné. On s’est très peu arrêté et on a sauté quelques ravitaillements d’eau. Quand ça défile, la course passe beaucoup plus vite. En montée on était vraiment bien mais faut bosser la technique de descente pour pas y passer trop de temps (sinon ça épuise physiquement et moralement). Antoine a bien géré sa course, il a vraiment cartonné pour un ultra « découverte ».
Pour donner des idées de l’ambiance de la course, quelques photos de Timothée Nalet. Je recommande vivement son blog et ses photos. Dommage qu’il ne fasse pas (encore) d’alpinisme !
tu nous convertirais presque à l’ultra? 😉 Beau CR…. ca fait envie…. un lien pour aider à se préparer à ce genre d’effort? un lien pour aider à récupérer après ce genre d’effort?
Un lien pour récupérer
http://rue89.nouvelobs.com/rue89-sport/2011/12/26/la-biere-apres-le-sport-ca-aide-recuperer-legende-227802
Salut Philippe !
Merci pour le partage des photos 🙂
Je fais un peu d’alpinisme, mais il est vrai que je manque encore de reportages à ce niveau là…ça viendra !
Bonne continuation à toi,
Chapeau les gars !!! C’est énorme de vivre ça ensemble, le compte rendu donne très envie ! Merci du partage.