L’intégrale de Peuterey est à l’alpinisme ce que l’ultra-trail est au trail (ou presque). C’est beau, c’est long, ça fait envie, quand tu postes la photo finish sur Facebook la communauté de pratiquants t’encense, ça se prépare à l’avance, tu n’y vas pas en caleçon  … et tu peux être sur qu’il y aura dans le voyage un bon petit coulage de bielle (=craquage moral et/ou physique). En moins poétique, l’intégrale de Peuterey c’est grenouiller et rôtir trois jours en montagne, bouffant de la semoule Tipiak, buvant de la neige fondue, tout ça avec les pieds qui marinent dans leurs jus et avec un âne mort en guise de sac à dos. Rien que ça.

Itinéraire Intégrale de Peuterey (ici c’est l’arête E mais on est passé par la S)

Départ 4h du matin du camping de Peuterey en direction de la via ferrata pour rejoindre le refuge Borelli et enquiller les 1000D+ pour rejoindre l’attaque de l’arête sud. Les sacs sont pleins de nourriture, d’eau et de matériel de bivouac. Comme les retours sur internet s’accordent à dire « Pas d’eau avant les Dames Anglaises » pour nous cela signifie pas d’eau avant le lendemain. Nous voila transformés en bête de somme avec 2.5L d’eau chacun et la perspective d’un rationnement pendant l’ascension. Rapidement après l’attaque, nous doublons une première cordée partie du refuge qui se fourvoie dans l’itinéraire.

Ascension de la Noire de Peuterey

En suivant le topo c2c + schéma nous grimpons la première partie à un bon rythme. Vers le sommet de la pointe Bifides nous doublons une autre cordée hispano-francaise, partie elle aussi du refuge, pour arriver sur les premiers passages grimpant. Je suis le premier à troquer les grosses pour les chaussons d’escalade …et gagne un sac encore plus lourd ! L’arête est orientée plein sud, nous rôtissons, littéralement, depuis quelques heures.

Ascension de la Noire de Peuterey

Ascension de la Noire de Peuterey

Un peu caché au sommet de la pointe Brendel nous tombons providentiellement sur un petit névé épargné. L’occasion de faire une petite pause pour faire fondre de la neige et de remplir à nouveau nos Camel Bag. Les passages les plus grimpants sont clairement sous la pointe Ottoz. Du 5b/c au dessus de 3000m, avec 1000m de gaz en dessous et un sac dépassant allègrement la dizaine de kilo, a une tout autre saveur que sur une falaise calcaire à 10 minutes de voiture d’Annecy.

Pointe Ottoz

En face, notre bivouac

A 19h nous rejoignons le sommet de l’Aiguille Noire de Peuterey, il n’y a personne au bivouac et cela fait un bout de temps que nous n’avons pas vu les cordées doublées. On sera donc seuls au bivouac. Ça fait plaisir ! Car si l’on vient dans ce genre de voie c’est justement pour éviter les foules. En plus ce weekend c’est l’UTMB à Cham’ … laisse tomber la pagaille que ça doit être de l’autre coté du massif.

Panorama au coucher

Bivi au sommet

La vierge impactée par la foudre

Check météo

Ombres

#posey #oklm avec le #bro au sommet les pieds dans le vide, la nuit sera bienvenue et reposante.

Lever 5h pour attaquer les rappels de la Noire à 6h avec les premières lueurs de l’aube. La descente en rappel de la face NW est la bête noire pour beaucoup de cordées : 14 rappels dans du terrain parfois interactif. Au final on sera en bas 2h30 plus tard, avec un seul coincement de corde … et 2 pitons extraits à main nus!

La traversée des Dames Anglaises se passe comme sur des roulettes en tirant au mieux dans le rocher délité. Le cailloux était plutôt bon la veille dans l’ascension de la Noire, mais à partir des Dames Anglaises ce sera escalade-de-cairn-non-stop.

Traversée des Dames Anglaises

12h. Pause saucisson-fromage au bivouac Craveri, on se croirait dans une collective du CAF. Changer de compagnon de cordée fait changer les habitudes et cela me fait drôle de m’arrêter 30 minutes pour manger. Avec Jean j’ai plutôt l’habitude d’enchaîner jusqu’à la fin en mangeant au mieux une ou deux barres en patientant entre deux rappels. Mais un bon bout de gras est bien plus savoureux que des pâtes de fruit et des barres chocolat-cacahuètes.

Boite à lettre

Passé Craveri on attaque le contournement de la Pointe Gugliermina pour rejoindre l’Aiguille Blanche de Peuterey. Les topos sont vagues car le terrain l’est aussi. En gros la règle est de remonter au mieux en étant toujours désaxé par rapport au second pour éviter de lui envoyer la moitié de la montagne sur la tête.

Face NW de la Noire depuis la Blanche

Arête de la Blanche

L’Aiguille Blanche de Peuterey et ses arêtes effilées esthétiques et photogéniques passent comme un coinceur dans une fissure de l’Envers, excepté quelques mètres en glace en fin de traversée.

Demi Lune, Blanche de Peuterey

On rejoint le col  de Peuterey à 16h, destination initiale de cette deuxième journée. Frais, motivé et dans l’esprit « ultra » je propose d’enchaîner direct jusqu’au Mont Blanc. Mais Baptiste est moyen-chaud. J’essaye de lui vendre le Pilier Central du Freney mais la perspective d’y aller avec les gros sacs ne l’enchante guère. J’arrête de faire mon fils unique et abdique pour terrasser au Col de Peuterey le bivouac dans la neige.

Nuit à 4000 sous les étoiles, avec la mythique face sud du Mont Blanc éclairée par le Lune. J’ai connu plus dégeu. Dans le courant de la nuit on aura l’occasion d’apercevoir des frontales dans le pilier du Freney et au sommet du grand pilier d’Angle vers minuit. C’est achalandé par ici en cette saison !

Bivouac au col de Peuterey sous LA face sud

3h du matin, j’attaque en tête le Grand Pilier d’Angle à la frontale. Toute la soirée j’ai mémorisé la face pour suivre le système de vires permettant de rejoindre au plus vite l’arête neigeuse. Baptiste suit avec une frontale en rade, la rallumant juste pour les passages difficiles #bonhomme #iladelamarge pour arriver 1h30 plus tard au sommet du Grand Pilier d’Angle. La suite je la connais, tout ceux qui ont lu le topo et vu des photos la connaissent en fait. Entre nous et le sommet du Mont Blanc il ne reste plus qu’une arête de neige. #Easy. Sur 600 mètres de dénivelé. #ToujoursEasy. Et mon dernier bref passage à la côte 4000 date de 3 semaines. #PlusEasyDuTout

Grand pilier d’Angle

Coulage de bielle et coup de Calgon. L’oxygène raréfié me fait l’effet de gobelins jouant du tambour dans la tête. Dans les pentes de neige je suis le premier et Baptiste est toujours quelques pas derrière moi. L’étudiant-qui-passe-ses-vacances-à-Argentière est bien mieux acclimaté. #enfoirédejeune.

Arête neigeuse entre le Grand Pilier d’Angle et le Mont Blanc de Courmayeur

Sortie par la corniche

6h30 Sommet du Mont Blanc. Il y a déjà une petite 20aine de personnes qui attendent lever du soleil. Ça contraste avec les 2 jours que nous venons de passer loin de tout êtres vivants. Plantes et bestioles comprises. Magie de Chamonix, nous sortons les téléphones pour partager les couleurs magiques matinales (et la sortie au sommet de notre course) avec le reste du monde.

La traditionnelle photo au sommet

Lever du soleil au sommet du Mont Blanc

Puis vient le moment de quitter le sommet pour rejoindre le monde des êtres vivants. Plantes et bestioles comprises. La voiture étant garée du coté italien le choix de l’itinéraire de descente a été le dilemme pour finalement se porter sur la voie normale italienne. Mon petit calcul – et le coup de phil au refuge pour s’assurer de la faisabilité de l’itinéraire – ont à moitié convaincu Baptiste de se péter les genoux sur les 3300m de dénivelé à descendre.

• Mont Blanc > Aiguille du Midi (+4h) > Chamonix (+1h) > Stop jusqu’à Courmayeur (+1h) > Stop jusqu’à Val Veny (+1h). Soit 7h avec beaucoup d’incertitude quand au temps d’attente. Et quelques euros pour payer la benne. Versus …
• Mont Blanc > Gonella > Glacier du Miage > Camping de Peuterey. 0 euros et autant en terme de temps.

Descente vers le piton des Italiens

Conclusion : plus jamais on ne me reprendra à passer par Gonella (à pied en tout cas) L’itinéraire est mort long et le glacier du Miage ne finit jamais. En plus on finit avec 500m de D- sur une route goudronnée. De quoi définitivement perdre ses genoux et chopper de bons coups de soleil. La descente par ce versant nous aura tout même permis un Mont Blanc 100% à pied et 100% italien #beauxgosses. Le premier Mont Blanc pour Baptiste … la barre est placée haute pour le deuxième. Un beau voyage suspendu entre 3000m et 4810m qui valait, finalement, la peine de manger de la semoule et boire de la neige fondue pendant 3 jours.

Demi Lune, Blanche de Peuterey

Demi Lune, Blanche de Peuterey

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• Created: August 25, 2016 - 14:46
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